2° dimanche - Temps ordinaire

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (Is 49,3.5-6)

Psaume Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd)

Deuxième lecture 1 Co 1,1-3

Évangile Jn 1,29-34

 

Première lecture (Is 49,3.5-6)

« Le Seigneur m’a dit : ‘Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur’. Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob, que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. Et il dit : ‘C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre’. – Parole du Seigneur » (Is 49, 3.5-6)

Isaïe a accompagné les exilés. Pour avoir été exilés, les compatriotes qui sont restés au pays les considèrent facilement comme « punis par Dieu ». Mais les gens restés au pays en étaient encore à une monolâtrie plutôt qu’à un monothéisme véritable. On se gardait d’adorer les idoles ou d’invoquer les Baals des peuples avoisinants, mais on ne niait pas leur existence.

Les exilés ont au contraire fait un cheminement spirituel étonnant, profond, décisif. Confrontés au monothéisme philosophique de Cyrus, ils lui ont tenu tête, ils ont affirmé que l’unique dieu, créateur de l’univers, c’était le Dieu de l’Alliance, quant au reste, ce sont des idoles qui n’existent pas.

En outre, ils ont fait l’expérience de la présence de Dieu qui les accompagne. Ils ont fait l’expérience d’un au-delà du donnant-donnant : Dieu les a puni doublement et il les fait rentrer au pays en les comblant de joie sans calculer (voir aussi les révélations à Ézéchiel, Job etc.).

Ils ont surtout grandi dans la révélation que Dieu est amour, on ne l’enferme pas dans une logique de donnant-donnant. L’amour dépasse toutes les proportions et toutes les logiques.

De plus, pour Cyrus, Mazdâ (ou « Ahura Mazdâ ») est l’origine de tout, c’est aussi le plus petit dénominateur commun qui permet aux moralistes de s’entendre, aux scientifiques de s’harmoniser, etc... Son universalité est surtout de type philosophique. Aux yeux de Cyrus, tout le monde doit entrer dans cette religion universelle qui est la plus haute qui soit. Les autres sont des retardataires, une fois initiés, ils seront intégrés.

Or, les Juifs en exil à Babylone ne veulent pas se fondre dans le moule de la pensée dominante. Pas plus qu’ils n’ont adoré la lune ou le soleil, ils ne veulent pas s’assimiler à la religion de Cyrus, ils ne veulent pas que le Seigneur, Adonaï devient Mazdâ-Adonaï (Yahvé).

Ce n’est pas parce que les Juifs se penseraient plus forts et supérieurs qu’ils refusent de se fondre dans le système commun, mais c’est parce qu’Israël a vécu quelque chose d’unique, qui n’a rien de commun : un compagnonnage avec le Seigneur, une Alliance libératrice.

Isaïe comprend que ce ne sont pas les Juifs qui vont se rallier à Mazdâ, ce sont les païens qui vont s’ouvrir au Seigneur, parce que c’est le Dieu de l’alliance, maître de l’histoire, qui existe et non pas Mazdâ.

Les Juifs ne peuvent pas prétendre rassembler les politiques, les scientifiques, les artistes, les moralistes : leur pays est ruiné ! Et leurs théologiens ont pris des chemins différents ! Ils ont en quelque sorte une mémoire cassée (par l’apparent échec de l’exil), et pourtant, ils croient que Dieu est le souverain maître de l’histoire. Tout cela, les Juifs ne peuvent pas l’expliquer, ils peuvent seulement le raconter, le proclamer…

Le Seigneur est une Présence qui est comme un étendard exposé à la face des nations.

La blessure d’Israël exilé est, elle aussi, exposée à la face des nations, avec sa foi, avec son Amour.

Pour la religion biblique, l’univers a droit de réponse, il peut résister, le péché peut exister, le refus est digne de Dieu, Dieu n’est pas abstrait, et son Alliance n’en serait pas une s’il n’y avait pas place pour le refus : nous sommes des fils, libres.

Et l’amour transfigure[1]. L’amour donne à notre vie et à notre mission une ampleur qui nous échappe : « C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre » (Is 49, 6).

Reprenons le passage complet dans nos bibles.

« 1Iles, écoutez-moi, soyez attentifs, peuples lointains! Le Seigneur m’a appelé dès le sein maternel, dès les entrailles de ma mère il a prononcé mon nom. 2 Il a fait de ma bouche une épée tranchante, il m’a abrité à l’ombre de sa main; il a fait de moi une flèche acérée, il m’a caché dans son carquois. 3 Il m’a dit: "Tu es mon serviteur, Israël, toi en qui je me glorifierai." 4 Et moi, j’ai dit : "C’est en vain que j’ai peiné, pour rien, pour du vent j’ai usé mes forces." Et pourtant mon droit était avec le Seigneur et mon salaire avec mon Dieu. 5 Et maintenant le Seigneur a parlé, lui qui m’a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener vers lui Jacob, et qu’Israël lui soit réuni ; -- je serai glorifié aux yeux du Seigneur, et mon Dieu a été ma force » (Isaïe (BJ) 49, 1-5)

 En Is 49,5, la vocation du serviteur est de ramener vers Dieu Jacob et qu’Israël lui soit réuni. ». Il faut donc voir dans l’expression « Tu es mon serviteur, Israël » du verset 3, non pas une allusion au peuple mais un titre éminent donné au chef chargé de la restauration de cette communauté qui incorpore en lui l’Israël idéal.

Continuons les versets 6 et 7 :

« 6 Il a dit : C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. 7 Ainsi parle le Seigneur, le rédempteur, le Saint d’Israël, à celui dont l’âme est méprisée, honnie de la nation, à l’esclave des tyrans: des rois verront et se lèveront, des princes verront et se prosterneront, à cause de Yahvé qui est fidèle, du Saint d’Israël qui t’a élu » (Isaïe 49,6-7)

Le Serviteur a pour mission de restaurer les tribus de Jacob et de ramener les préservés d’Israël. Et la réussite de cette double tâche va révéler la gloire de Dieu à toutes les nations.

Cette tâche est laborieuse, le serviteur a craint de s’être fatigué en vain, il a dû renouveler sa confiance en Dieu (Is 49,4), l’énoncé d’un nouvel oracle qui confirme et étend sa vocation (49,5-6). Le petit oracle 49,7 décrit l’épreuve du serviteur, « abominable à la nation, esclave des despotes » : on peut songer à la honte collective des exilés, on peut songer aussi à une épreuve personnelle du chef des rapatriés, quand des fonctionnaires officiels furent soudoyés pour faire échec aux projets de chefs juifs à l’instigation des despotes locaux (cf. Esd 4, 4-5)[2].

Psaume Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd)

« D’un grand espoir j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi.
Dans ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu.
Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je viens’.

Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles.
Vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais.
J’ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée ».

Ce psaume se trouve dans le premier livre du psautier (Psaumes 1 à 41), qui est largement marqué par la figure de David, et notre psaume lui est traditionnellement attribué.

Il peut s’inscrire dans un contexte monarchique, où le roi — ou un croyant proche du sanctuaire — raconte la délivrance obtenue et souligne que la vraie fidélité ne se limite pas aux sacrifices, mais passe par l’écoute. Ce thème est en continuité avec la prédication des prophètes de l’époque : Dieu veut un cœur disponible.

Mais ce psaume a très bien pu être relu ou composé dans un contexte postexilique, donc à l’époque du texte entendu dans la première lecture « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6). À cette époque, le peuple revenu de l’exil redécouvre la centralité de la Loi et s’interroge sur le sens du culte.

Le psaume nous invite à entrer plus profondément dans la Volonté de Dieu, cette Volonté qui embrasse le Ciel et la terre et d’où jaillit tout bien. Lorsque nous nous disposons à l’accueillir, nous faisons l’expérience de ce que dit le psalmiste : « D’un grand espoir j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi. » Oui, Dieu se penche vers l’âme qui cherche sa volonté, et il met en elle une lumière nouvelle, un élan nouveau, comme le chante encore le psaume : « Dans ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. »

Ce chant nouveau, c’est précisément ce que la Volonté divine produit en nous. En l’accueillant, nous recevons la paix, la bonté, la sainteté du Seigneur. C’est le plus grand don qu’il puisse nous faire. Et le psalmiste confirme que Dieu ne cherche pas d’abord nos œuvres extérieures, mais notre disponibilité intérieure : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je viens’. »

Le véritable culte naît donc de cette ouverture : laisser Dieu ouvrir nos oreilles, c’est-à-dire nos cœurs, pour que sa Volonté puisse y demeurer. C’est ce que nous redécouvrons lorsque, parfois, nous nous sentons pauvres, incapables, traversés par l’épreuve ou la sécheresse. Comme parfois on se sent être une personne « bonne à rien » et nous faisons l’expérience de nos limites. Et pourtant, c’est souvent là que monte en nous l’offrande la plus vraie : « alors j’ai dit : ‘Voici, je viens’. » « Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles. »

Lorsque la Volonté de Dieu devient notre vie, tout en nous devient prière. Nos pensées, nos regards, nos gestes, nos battements de cœur se transforment en sources silencieuses d’amour, comme un ciel étoilé qui proclame la gloire de Dieu.

La prière ne dépend plus du grand nombre de mots, mais de la présence fervente en nous, c’est-à-dire de notre Oui à Dieu et du Oui de Dieu qui nous maintient dans l’existence.

Alors, nous pouvons dire avec vérité, même dans l’humilité de notre condition : « Vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais. J’ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée. »

Ce psaume nous prépare à l’évangile. Le psalmiste dit : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice ». Jean-Baptiste n’a pas, comme son père Zacharie qui était prêtre, offert des offrandes et des sacrifices dans le Temple. Mais Dieu lui a « ouvert l’oreille » pour reconnaître le Messie. Le psalmiste dit « D’un grand espoir j’espérais le Seigneur ». Jean-Baptiste s’écrie : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » et cette exclamation est le fruit d’une longue attente, d’un discernement intérieur où Dieu lui-même a ouvert le chemin.

Le psalmiste dit : « Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles. » Nous sommes des créatures et le Créateur a donné un mode d’emploi, une loi. Après la chute d’Adam, le péché n’a cessé d’augmenter. La mission du Précurseur est de rappeler à ses contemporains la loi du Seigneur.

Et quand Jésus paraît, Jean-Baptiste accomplit ce que le psaume chante : « Vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais. J’ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée. » Il parle quand il faut parler ; il témoigne du signe reçu : « Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »

Ce psaume est surtout accompli par le Christ lui-même lorsqu’il entra dans le monde, comme l’affirme la Lettre aux Hébreux : « C’est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : Voici, je viens, car c’est de moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, Dieu, ta volonté » (He 10, 5-7).

Et lorsque la Vierge prononça son « Oui – Voici la servante du Seigneur » à l’annonce de l’Ange Gabriel, son « Oui », en latin son « Fiat », est le reflet parfait de celui de Jésus. L’obéissance du Fils se reflète dans l’obéissance de sa Mère et ainsi, grâce à la rencontre de ces deux « Oui », Dieu a pu prendre un visage d’homme.

À nous aussi d’accueillir pleinement la Volonté suprême, afin que Dieu puisse faire de nos vies ce chant nouveau qui parle de son amour et révèle au monde l’œuvre de ses mains créatrices.

Saint Paul dans sa lettre aux Hébreux explique que ce psaume parle aussi du sacrifice du Christ :

« Il commence par dire : Sacrifices, oblations, holocaustes, sacrifices pour les péchés, tu ne les as pas voulus ni agréés -- et cependant ils sont offerts d’après la Loi -- , alors il déclare : Voici, je viens pour faire ta volonté. Il abroge le premier régime pour fonder le second. Et c’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes.

Tandis que tout prêtre [Paul parle ici des prêtres du Temple de Jérusalem] se tient debout chaque jour, officiant et offrant maintes fois les mêmes sacrifices, qui sont absolument impuissants à enlever des péchés, lui au contraire, ayant offert pour les péchés un unique sacrifice, il s’est assis pour toujours à la droite de Dieu, attendant désormais que ses ennemis soient placés comme un escabeau sous ses pieds. Car par une oblation unique il a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il sanctifie » (Hé 10, 8-14).

Le chant nouveau, dont parle le psaume, c’est le témoignage rendu au Christ, source de la vraie libération, de la vraie sanctification.

Deuxième lecture 1 Co 1,1-3

« Paul, appelé par la volonté de Dieu pour être apôtre du Christ Jésus, et Sosthène notre frère, à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus et sont appelés à être saints avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre. À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ. – Parole du Seigneur. » (1 Co 1, 1-3)

Nous avons vu, dans la première lecture, une première ouverture à l’universel au temps d’Isaïe. « Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre » (Is 49,6). Paul a été l’apôtre des nations, en commençant néanmoins l’évangélisation à partir des synagogues, c’est-à-dire à partir du socle culturel juif, hébréo-araméen.

Dans la lecture de ce jour, Paul parle des chrétiens comme étant « sanctifiés dans le Christ Jésus et appelés à être saints avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, leur Seigneur et le nôtre », c’est une manière éloquente de définir la grâce du baptême qui nous sanctifie et nous fait membre de l’Église.

Catéchisme de l’Église catholique :

1262 Les différents effets du Baptême sont signifiés par les éléments sensibles du rite sacramentel. La plongée dans l’eau fait appel aux symbolismes de la mort et de la purification, mais aussi de la régénération et du renouvellement. Les deux effets principaux sont donc la purification des péchés et la nouvelle naissance dans l’Esprit Saint (cf. Ac 2,38 Jn 3,5).

1263 Par le Baptême, tous les péchés sont remis, le péché originel et tous les péchés personnels ainsi que toutes les peines du péché (cf. DS 1316). En effet, en ceux qui ont été régénérés il ne demeure rien qui les empêcherait d’entrer dans le Royaume de Dieu, ni le péché d’Adam, ni le péché personnel, ni les suites du péché, dont la plus grave est la séparation de Dieu.

Dans le baptisé, certaines conséquences temporelles du péché demeurent cependant, tels les souffrances, la maladie, la mort, ou les fragilités inhérentes à la vie comme les faiblesses de caractère, etc., ainsi qu’une inclination au péché que la Tradition appelle la concupiscence, ou, métaphoriquement, "le foyer du péché" ("fomes peccati"): "Laissée pour nos combats, la concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, ‘celui qui aura combattu selon les règles sera couronné’ (2Tm 2, 5)" (Cc. Trente: DS 1515).

1265 Le Baptême ne purifie pas seulement de tous les péchés, il fait aussi du néophyte "une création nouvelle" (2Co 5,17), un fils adoptif de Dieu (cf. Ga 4,5-7) qui est devenu "participant de la nature divine" (2P 1,4), membre du Christ (cf. 1Co 6,15 12,27) et cohéritier avec Lui (Rm 8,17), temple de l’Esprit Saint (cf. 1Co 6,19).

 La Très Sainte Trinité donne au baptisé la grâce sanctifiante, la grâce de la justification qui:
- le rend capable de croire en Dieu, d’espérer en Lui et de L’aimer par les vertus théologales;
- lui donne de pouvoir vivre et agir sous la motion de l’Esprit Saint par les dons du Saint-Esprit;
- lui permet de croître dans le bien par les vertus morales.

 Ainsi, tout l’organisme de la vie surnaturelle du chrétien a sa racine dans le saint Baptême.

1267 Le Baptême fait de nous des membres du Corps du Christ. "Dès lors, ... ne sommes-nous pas membres les uns des autres?" (Ep 4,25). Le Baptême incorpore à l’Eglise. Des fonts baptismaux naît l’unique peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance qui dépasse toutes les limites naturelles ou humaines des nations, des cultures, des races et des sexes: "Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour ne former qu’un seul corps" (1Co 12,13).

Les baptisés sont devenus des "pierres vivantes" pour "l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint" (1P 2,5). Par le Baptême ils participent au sacerdoce du Christ, à sa mission prophétique et royale, ils sont "une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis pour annoncer les louanges de Celui qui (les) a appelés des ténèbres à son admirable lumière" (1P 2,9). Le Baptême donne part au sacerdoce commun des fidèles.

1269 Devenu membre de l’Église, le baptisé n’appartient plus à lui-même (1Co 6,19), mais à Celui qui est mort et ressuscité pour nous (cf. 2Co 5,15). Dès lors il est appelé à se soumettre aux autres (cf. Ep 5,21 1Co 16,15-16), à les servir (cf. Jn 13,12-15) dans la communion de l’Église, et à être "obéissant et docile" aux chefs de l’Église (He 13,17) et à les considérer avec respect et affection (cf. 1Th 5,12-13).

De même que le Baptême est la source de responsabilités et de devoirs, le baptisé jouit aussi de droits au sein de l’Église : à recevoir les sacrements, à être nourri avec la parole de Dieu et à être soutenu par les autres aides spirituelles de l’Église. (cf. LG 37 CIC 208-223 CIO 675p.2).

1270 "Devenus fils de Dieu par la régénération (baptismale), (les baptisés) sont tenus de professer devant les hommes la foi que par l’Église ils ont reçue de Dieu" (LG 11) et de participer à l’activité apostolique et missionnaire du Peuple de Dieu (cf. LG 17 AGd 7,23).  

Évangile Jn 1,29-34

Ma traduction depuis la Pshitta, le texte liturgique en araméen, avec l’imprimatur de la conférence des évêques de France.

« 29 Et le jour d’après, / Jean vit Jésus qui venait auprès de lui,
      et il dit : 
‘Voici l’Agneau de Dieu, / celui qui enlève le péché du monde !
30 Celui-ci est celui au sujet duquel j’ai dit / qu’un homme vient après moi ! 
et il était / devant moi ; 
parce qu’il est / antérieur à moi !
31 Et moi, / je ne le connaissais pas.
Mais c’est pour qu’il soit connu par Israël, / c’est pour cela que je suis venu immerger dans les eaux.’

32 Et Jean témoigna / et dit :
‘J’ai vu l’Esprit / qui descendait des Cieux,
comme une colombe, / et qui demeura sur lui !
33 Et moi / je ne le connaissais pas.
Mais celui qui m’a envoyé pour que j’immerge dans les eaux, / lui m’a dit :
‘Celui sur lequel tu vois l’Esprit qui descend / et qui demeure sur lui, 
c’est lui qui immerge / dans l’Esprit Saint !
34 Et moi j’ai vu et témoigné : / ‘Celui-ci est Fils de Dieu !’ »

Racontons ce qui s’est passé juste avant. Les autorités juives se demandent si Jean-Baptiste est le Messie. Aussi Jean-Baptiste doit-il répondre à une délégation de prêtres et de lévites qu’il n’est pas le Messie mais la voix qui crie dans le désert, ce désert qui est, depuis l’alliance au Sinaï, le haut lieu de la Parole (Jn 1,19-23). Jean-Baptiste est un prophète.

Il y a aussi une délégation de pharisiens, c’est-à-dire de gens qui pratiquent des rites d’ablution, on comprend qu’ils l’interrogent sur le sens de son baptême. C’est alors que Jean-Baptiste annonce Jésus en ces termes : « Celui dont, moi, je ne suis pas digne de délier les lacets de ses sandales » (Jn 1,28). Quelle déférence ! La stupeur de Jean-Baptiste rappelle celle de sa mère, Élisabeth, en présence de la mère de Jésus. Elle fut emplie de l’Esprit Saint et Jean-Baptiste avait bondi dans son sein. Elle s’écria d’une voix forte (liturgique) : « Comment m’est-il donné que vienne jusqu’à moi la Mère de mon Seigneur ! » (Lc 1,41.43).

Venons-en à la lecture de ce dimanche. « Et le jour d’après, / Jean vit Jésus qui venait auprès de lui » (Jn 1,29)

Dans une civilisation orale on récite, ou on proclame, avec un léger balancement du corps gauche / droite. La parole est rythmée avec des reprises de souffle formant des répliques, ce qui explique parfois certaines répétitions, comme ici, « Et moi, je ne le connaissais pas » (v. 31.33) ; bien sûr que Jean-Baptiste connaissait Jésus qui est son cousin, mais il n’avait pas encore reconnu le mystère et le dessein de Dieu. En araméen, connaître et reconnaître sont les mêmes mots.

Jean-Baptiste voit Jésus venir vers lui et le désigne par des mots très forts :

« Voici l’Agneau de Dieu, / celui qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Jean-Baptiste est de famille sacerdotale, les mots qu’il utilise évoquent les plus grands rites du Temple. L’Agneau évoque le bélier pourvu par Dieu à Abraham en substitution du sacrifice d’Isaac (Gn 22) et surtout l’Agneau de la Pâque, dont le sang épargne les Hébreux pendant le fléau qui frappe les premiers-nés d’Égypte (Ex 14). De plus, en « enlevant le péché du monde », Jésus accomplit le rôle du bouc émissaire en la fête du Yom Kippour (Lv 16,1-28). Or, une fois que le péché est enlevé, la place est libre pour recevoir l’Esprit Saint. « Celui-là baptise dans l’Esprit Saint » (Jn 1,33).

Mais n’allons pas trop vite. Jean-Baptiste témoigne : « J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui » (Jn 1,32). La colombe est l’image du retour vers Dieu. La colombe part, mais elle revient. Elle représente le retour d’exil, ou le temps de la conversion. Les premiers disciples étaient disposés à se convertir. Jésus a reçu l’onction de l’Esprit pour commencer son ministère, et il est le Messie puisque « Messie » veut dire « oint ». André dira « Nous l’avons trouvé, le Messie ! » (v.41). Et c’est parce qu’il est Oint de l’Esprit Saint que Jésus, le Christ, le Messie, peut baptiser dans l’Esprit Saint (Jn 1,33).

En araméen, l’adjectif est souvent remplacé par un complément de nom : « rūḥā d-qūḏšā », c’est l’Esprit Saint, l’Esprit de Sainteté, ou l’Esprit du lieu saint : l’Esprit qui est saint et sanctifiant. Jésus n’est pas seulement « oint » comme pouvaient l’être un roi, un prophète ou un prêtre : il « immerge dans l’Esprit de Sainteté », c’est-à-dire qu’il est capable de communiquer l’Esprit Saint. S’accomplit l’oracle du livre d’Ézéchiel : « Je verserai sur vous une eau pure et vous serez purifiés, […] je mettrai en vous mon esprit » (Ez 36,25.27). Et l’immersion dans l’Esprit Saint ouvre un chemin de sainteté qui est l’affaire de toute une vie.

Dans la perle suivante, attentifs au témoignage de Jean-Baptiste ─ « Voici l’agneau de Dieu » (Jn 1,36) ─, deux disciples suivent Jésus. Ils n’ont encore vu aucun miracle ni entendu aucun enseignement, c’est dire combien Jésus était rayonnant.

Dans mon livre « Jean, l’évangile en filet », Parole et Silence, Paris 2020, j’explique que Jean a composé son évangile comme un filet, c’est-à-dire avec des fils transversaux, verticaux, porteurs de signification.

C’est ainsi que le baptême de Jésus au Jourdain est enfilé avec d’autres perles telles que la Samaritaine qui reconnaît en Jésus le Messie (Jn 4,25-29). Le mot Messie dont la racine signifie Oint de Dieu, et l’onction est celle de l’Esprit Saint.

Le baptême de Jésus au Jourdain est enfilé avec cette autre perle où Jésus refuse de recevoir des hommes l’onction royale (Jn 6,15), sa royauté messianique lui vient d’une onction mystérieuse : divine.

Et encore, pendant la fête des Tentes, Jésus promit de donner l’eau vive. En lien avec le baptême de Jésus au Jourdain. L’évangéliste ajouta une glose : « Or, cela, il le dit au sujet de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux-là qui croiraient en lui. L’Esprit, en effet, n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié » (Jn 7,39). L’Esprit est lié à la glorification.

Chers auditeurs, ceux qui reçoivent le baptême chrétien obtiennent le don d’un sceau spirituel indélébile, le «caractère» qui marque pour toujours leur appartenance au Seigneur. On dit que le baptême est une « marque spirituelle indélébile » (CEC 1272), en effet, saint Paul dit, je donne une traduction de l’araméen : « Et il les a connus d’avance, et il les a gravés dans la forme de l’image de son Fils  [ba-ḏmūṯā d-ṣūrtā da-ḇrēh] afin que son Fils fût le premier-né de beaucoup de frères » (Rm 8,29).

Alors les baptisés commencent un chemin de sainteté et de configuration à Jésus, un appel à suivre Jésus, comme les premiers disciples, par la réalisation de leur vocation personnelle selon ce dessein d’amour particulier que le Père a à l’esprit pour chacun d’eux ; le but de ce pèlerinage terrestre sera la pleine communion avec Lui dans le bonheur éternel.

C’est pourquoi, en comprenant la grandeur de ce don, que j’ai expliquée en commentaire de la deuxième lecture, dès les premiers siècles, on a pris soin de conférer le baptême aux enfants à peine nés. Il y aura assurément ensuite besoin d’une adhésion libre et consciente à cette vie de foi et d’amour et c’est pour cela qu’il est nécessaire qu’après le baptême les enfants soient éduqués dans la foi, instruits selon la sagesse de l’Écriture Sainte, et des enseignements de l’Église, de façon à ce que grandisse en eux le germe de la foi et qu’ils puissent prendre un chemin de sainteté et atteindre la pleine maturité chrétienne.

© F. Breynaert

Extraits de : Françoise BREYNAERT, Jean, l’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020. 477 pages.

Foi-vivifiante.fr

 

[1] Extrait de : BREYNAERT, Françoise, Parcours biblique, Le berceau de l’Incarnation, Parole et Silence, Paris 2016. Imprimatur
[2] I Pierre GRELOT, Les poèmes du serviteur, de la lecture critique à l’herméneutique, Ed. du Cerf, 29 bd Latour-Maubourg, Paris, 1981., p. 44

Date de dernière mise à jour : 17/12/2025