La Plaine - (Marthe Robin)

Après avoir visité de nombreux sanctuaires, cathédrales majestueuses ou humbles chapelles de plein air, je voudrais vous inviter à faire de votre propre maison un sanctuaire.
Pour cela, je vous emmène dans la chambre de Marthe Robin (1902-1981), ouverte au public, dans une ancienne ferme du lieu-dit "La Plaine", à moins de 1,5 km du Foyer de Charité de Châteauneuf de Galaure (Drôme).
C’est là qu’elle vécut et mourut le 6 février 1981, quelques mois avant que ne commencent les apparitions dans la paroisse de Medjugorje, comme s’il y avait un relais entre les deux (Marthe pensait que le renouveau devait partir de la paroisse) !

A la fin du mois de septembre 1931, Jésus apparaît à Marthe et lui demande « Veux-tu être comme moi ? » Les premiers jours d’octobre, Jésus en Croix se montre à nouveau avec la même question. C’est l’heure que Jésus a choisi pour s’unir plus intimement à son épouse, qu’Il sait prête à recevoir jusque dans sa chair, comme le sceau de son amour, les marques de ses plaies, avec la Couronne d’épines. Folie pour les païens, Sagesse de Dieu, pas plus que la Croix du Christ, la stigmatisation ne peut se comprendre en dehors de l’amour. A partir du vendredi suivant, c’est désormais chaque semaine qu’elle revivra mystérieusement les étapes de la Passion. Elle se nourrit de l’Eucharistie en laquelle son Bien-aimé se fait chaque semaine sa nourriture et sa vie. Et la Très Sainte Vierge vint chaque fois la visiter pour l’encourager.

Son Journal lui est demandé par le curé de la paroisse, il est lumineux, il est du feu. En même temps, il y a quelque chose de très tendre et doux, Marthe tient la main de la Vierge Marie, beau lys immaculée. Sa vie de malade n’est pas uniquement douleur, elle est aussi joie et gloire, tendresse et majesté. Elle est imprégnée des mystères du Rosaire !

Mystères joyeux : « Vierge pleine de grâce et de sainteté ! ô blanc Lys d’amour ! […] permettez-moi d’adorer dans vos bras votre bel et divin Enfant, […] de déposer mon baiser plein d’amour sur ses pieds adorables, sur ses petites mains venues pour bénir, pour absoudre, pour guérir ; sur son front où je vois rayonner la divinité ; sur son Cœur d’amour, son Cœur dans lequel, je le sais, palpite mon cœur et celui de tous les humains » (31 décembre 1929)

Mystères douloureux : « [Marie] nous dira que la croix se fait de jour en jour plus légère, plus aimée, quand on la porte en se sanctifiant. Suivons Jésus et suivons-le avec Marie, son incomparable Mère. Attachons nos regards non uniquement sur sa divinité, mais sur son humanité sainte, sur son humanité souffrante… Jésus le modèle parfait, le modèle complet le modèle de tous » (3 février 1930)

Mystères glorieux : « Au ciel, où je demeurerai à jamais petit brasier toujours ardent au sein de l’Amour infini, je continuerai ma belle mission de faire aimer l’Amour, de semer des vocations surnaturelles. […] De là-haut, j’ai l’intuition que je les entendrai mieux, que je ferai mieux encore » (25 mars 1932)

Marthe dit : « Je reçois tout de Dieu, et à tout instant. Et cependant, il daigne me traiter comme si je lui étais absolument nécessaire. Ô amour, ô incompréhensible amour ! » [1]L’équilibre de Marthe se lit aussi dans sa manière de se recevoir de Dieu : « En Père infiniment bon, Dieu a préparé de toute éternité une mission pour chaque âme. A nous de nous laisser prendre, de nous donner quand il nous appelle, et non de nous imposer »[2].

Marthe est soutenue par Joseph « J’ai compris le rôle admirable - et si maternel de la sainte Eglise, la pure beauté de sa doctrine à la fois si haute et si simple […] Puis, sans presque y avoir pensé, j’ai appris et me suis sentie tout à coup fille et protégée de saint Joseph »[3].

L’équilibre humain de Marthe se voit dans le fait qu’elle ne veut aucun excès, nous lisons : « Ô Jésus, mes délices et ma vie, donnez-moi d’être sans recherche dans mon humilité, sans excès dans mes joies, sans abattement dans mes tristesses, sans découragement dans mes douleurs, sans exagération dans mes mortifications, donnez-moi de parler sans détour, d’agir sans faiblesse, d’espérer sans présomption, de me garder toujours humble, pure et sans tache, d’aimer sans faux-semblant, d’édifier sans rougir, d’obéir sans réplique, de souffrir sans murmure »[4].

Un psaume dit :
« Et j’irai vers l’autel de Dieu,
jusqu’au Dieu de ma joie.
J’exulterai, je te rendrai grâce sur la harpe,
Dieu, mon Dieu. » (Ps 43, 4)

On peut dire que Marthe a intensément vécu ce verset, sans se déplacer physiquement, mais spirituellement :
« La cellule fidèlement gardée, joyeusement aimée, devient douce à l’âme qui demeure en union avec Dieu. C’est par l’expérience personnelle de la réclusion, par la science de la souffrance, mais surtout par l’action directe et toute-puissante de Dieu en moi et par l’inaltérable et merveilleux secours de la très Sainte Vierge ma Mère, que peu à peu, par degrés d’une constante ascension d’amour je suis arrivée à gravir sans même presque m’en apercevoir à des hauteurs incomparables, d’où, extasiée et ravie, je découvre et comme tout à coup, ce qu’il y a de plus grand, de plus universellement beau à voir : l’âme et Dieu… l’âme et l’Amour.
Non seulement je crois, mais je connais, je goûte ineffablement cette vie toute en Dieu… Je la comprends. Je sais ce que veulent dire ces admirables paroles : "Demeurez dans mon amour". "Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous" : je connais cela avec une lumière, une joie immense.
Jésus, par son Verbe, habite en moi, et je suis dans son amour, inondée de son divin et pur amour ! »[5]

Marthe écrit : « Je suis éperdue, dilatée, ravie, folle d’amour, ivre de Dieu, de la pureté, de la grandeur, de l’immensité de sa vie » [6].

La petite chambre de la Plaine est un véritable sanctuaire et une invitation pour chacun de nous à faire de nos chambres, de nos maisons, un lieu de prière :
" Me voici seule enfin, seule avec Jésus seul, dans le grand silence de la nuit, dans le silence des créatures et de la nature si favorable à l’intimité, à l’union d’amour et qui béatifie si bien toute félicité intérieure, mettant dans l’âme une atmosphère d’éternité. […] Ah ! qu’ils sont chastes et doux, les entretiens avec Jésus ! Qu’elle est pure, dans son entière intimité, l’union avec lui ! » [7]

Une autre fois Marthe dit : « Oh ! je ne m’en irai plus, j’ai trouvé l’Amour… j’ai trouvé mon Centre !... »[8] Vie centrée sur Dieu, chasteté et discrétion, vie de Marie dans le cœur de Marthe, vie « par Marie », tout est lié. Marthe écrit :
« O ma si tendre Mère, aidez-moi à reposer amoureusement sur le Cœur de mon Dieu, de mon Jésus, même si c’est la nuit, même si je ne l’entends pas et même s’il veut que je ne sente plus si je suis sienne… Il me donne tant de moyens d’aimer… et d’aimer toujours davantage, aujourd’hui et encore plus demain. 
Vous seule, ô douce Médiatrice, pouvez lui dire l’affection, la tendresse, l’inébranlable amour de sa petite épouse. Je n’en veux pas d’autres que vous pour le lui faire savoir… parlez vous-même à la Trinité. Heureux les cœurs purs parce qu’ils tressaillent de joie en Dieu ! Cette nuit, j’ai goûté la douceur des larmes pleurées dans les bras de Jésus. Heureuses les âmes fidèles à l’amour, parce qu’elles peuvent reposer sur le Cœur de l’époux » [9].

En fait, c’est la très sainte Vierge Marie qui est « son asile imprenable » : « Je l’aime tant, cette bonne et tendre Mère ! Elle est mon étoile et ma demeure. Je vis à sa lumière et toute cachée dans l’asile imprenable de son Cœur immaculé. »[10]

Marthe vit chaque semaine la Passion et la Résurrection. Et la très sainte Vierge Marie vient, comme elle venue au pied de la Croix de Jésus. Marthe la connaît bien ! « Elle eût moins souffert si elle était morte avec son Fils, mais il faut qu’elle le voie agoniser, il faut qu’elle le voie mourir et qu’elle vive. Elle est sainte et plus que sainte. Elle est martyre, et plus que martyre, elle en est la reine… Elle est la Mère du Tout-Puissant, elle en partage toute la gloire, elle participe à son gouvernement divin. C’est pourquoi tous les cris, toutes les supplications, toutes les louanges qui montent de la terre vers Dieu, passent par Marie, de Marie à Jésus, et de Jésus au Père. En retour, toutes les grâces obtenues passent du Père au Fils, du Fils à sa sainte Mère, et par elle à celui qui la prie »[11].

« Chaque souffrance qui nous étreint, chaque sacrifice qui nous immole, chaque angoisse qui nous jette dans les ténèbres, dans la nuit de l’abandon et de l’agonie, chaque abîme effrayant qui se creuse dans notre cœur comme pour y engloutir tous nos petits bonheurs et toutes nos espérances, chaque suprême désolation qui nous semble le dernier « consummatum est » est une vie nouvelle que le divin Maître inocule en notre âme. II a vaincu la mort et l’aiguillon de la mort et, triomphateur suprême depuis sa Résurrection glorieuse, il fait passer dans les âmes les mêmes agonies mortelles. Il ne les enferme dans la nuit des tombeaux que pour les ressusciter à l’amour et les faire sortir plus pleines de vie après les avoir ensevelies »[12].

Le concile Vatican II a enseigné : « La bienheureuse Vierge […] fut sur la terre, en vertu d’une disposition de la Providence divine, la vénérable Mère du divin Rédempteur, généreusement associée à son œuvre à un titre absolument unique, humble servante du Seigneur. En concevant le Christ, en le mettant au monde, en le nourrissant, en le présentant dans le Temple à son Père, en souffrant avec son Fils qui mourait sur la croix, elle apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle » (Constitution dogmatique, Lumen Gentium 61).

Marthe, qui sait qu’elle n’est pas immaculée comme la Vierge Marie, se sait elle-aussi corédemptrice et non seulement elle, mais « nous », chacun de nous à sa mesure :
« C’est ainsi que de par la volonté de Dieu, toute âme doit être à son tour réparatrice et rédemptrice. C’est Jésus qui est notre unique Sauveur, mais il ne nous sauve qu’à la condition d’unir à sa réparation infinie notre pauvre petite réparation personnelle, gage de notre profond repentir et de notre immense désir de voir Dieu. Si cette réparation de foi et d’amour est assez grande, assez méritante, il peut se faire qu’après nous être sauvés nous-mêmes, nous sauvions beaucoup, beaucoup d’autres âmes. Mais on n’expie pas sans souffrir. Donc, nous devons souffrir ! Est-ce beaucoup ?… Est-ce peu ?... Dieu seul le sait ! »[13]

 

Jésus, le Fils de l’homme, accomplit sa mission rédemptrice par l’annonce de la Bonne nouvelle aux défunts, comme le dit le catéchisme de l’Eglise catholique :

« La Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts ..." (1P 4,6). La descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption »[14].

Marthe, que nous avons vue associée à la mission rédemptrice du Christ, lui est aussi associée dans cette œuvre spécifique d’annonce du salut aux défunts. « Le père Faure, curé de la paroisse, lui avait confié : dans ma paroisse, ces toutes dernières années, deux grands pécheurs sont morts, refusant jusqu’à la dernière minute le secours des sacrements. Douloureusement, j’en parlais à Marthe qui répondit : "Ils sont sauvés, car, pendant leur mort apparente, avant que leur âme ne quitte leur corps, le Seigneur m’a emmenée auprès d’eux pour leur salut éternel. »[15]

Le salut est un exorcisme. « C’est pour détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu est apparu » (1Jn 3, 8). La rencontre des défunts avec le Fils de l’homme se déroule dans une liberté restaurée car le Christ a réduit à l’impuissance le diable :
« Le Christ est donc descendu dans la profondeur de la mort (cf. Mt 12,24 Rm 10,7 Ep 4,9) afin que "les morts entendent la voix du Fils de l’Homme et que ceux qui l’auront entendue vivent" (Jn 5,25). Jésus, "le Prince de la vie" (Ac 3,15), a "réduit à l’impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable, et a affranchi tous ceux qui leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort" (He 2,14-15) »[16].

Marthe, si souvent associée au Christ dans sa Passion rédemptrice, est aussi associée au Christ dans sa lutte contre les démons dont « la difformité déchire les yeux » et contre Satan - dont elle dit : « la grande douleur des damnés, c’est la vue de Satan, de l’horrible Satan, comme le grand bonheur des élus, est la contemplation de l’enivrante beauté de Dieu »[17].

En particulier, Marthe, qui s’engage toute entière dans l’intercession pour les défunts, se trouve confrontée aux forces démoniaques d’une manière très forte, et parfois dramatique :
« Plusieurs heures durant, j’ai comme été plongée dans un abîme de feu, feu de douleur plus que d’amour. Je me sentais brûler vive, réprouvée, bannie loin de Dieu, loin de Jésus, venu dans mon cœur si peu de temps avant ! C’était affreux, terrible. Plus terrible que la veille… que la nuit passée.
Les actes d’amour… les actes de confiance et d’abandon à l’Amour et à la Miséricorde que j’ai faits en ces quelques heures, ne peuvent se compter ! […]
Je crois cependant qu’il faut attribuer ces excès de souffrances au fait suivant : mon confesseur m’ayant demandé d’offrir ma communion et mes souffrances intimes à l’intention d’une âme au seuil de son éternité (laquelle personne, malgré les supplications, les prières de son entourage et les multiples exhortations du prêtre, ajournait toujours sa réconciliation avec son Sauveur et son Dieu, refoulant en ceci les grâces exceptionnelles qui étaient inévitablement accordées à ce moment suprême) j’acquiesçai tout de suite et de tout cœur à la prière de mon confesseur, non sans lui dire cependant que j’étais un bien, bien pauvre intercesseur.
Ô malheureux engourdissement de nos âmes ! Ô cœurs si farouchement, si désespérément clos ! A quel atroce réveil nous exposons-nous ? »[18]

Et nous achevons sur cette prière :
« Dieu fort, Dieu saint, Dieu immortel, par Marie, Mère de Jésus et notre Mère, pardonnez-moi mes péchés, faites-moi miséricorde, faites miséricorde à tout le monde. Ouvrez à tous la porte du ciel, pour qu’éternellement nous puissions chanter avec vous au séjour bienheureux le doux chant du Magnificat »[19]


[1] Marthe ROBIN, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013, p. 63 (22 janvier 1930)
[2] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 358 (29 septembre 1931)
[3] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 66 (22 janvier 1930)
[4] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 136 (8 mars 1930)
[5] Marthe ROBIN, Journal, Les cahiers de Marthe ROBIN, 2013, p. 53-55 (9 janvier 1930)
[6] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 465 (4 avril 1932)
[7] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 424
[8] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 488-493 (12 juin 1932) – Sur ce thème, on pourra méditer : F. Breynaert, L’arbre de vie, symbole central de la spiritualité de Saint Louis-Marie de Montfort, Parole et silence, Paris, 2006. (Thèse de doctorat). - Sur amazon, quelques petits livres plus petits.
[9] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 466[10] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 76-79 (3 février 1930)
[11] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 76-79 (3 février 1930)
[12] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 456 (25 mars 1932)
[13] Marthe ROBIN, Journal, Ibid., p. 60
[14] Catéchisme de l’Eglise catholique § 634
[15] Marthe Robin, revue L’Alouette, numéro spécial, août septembre 1981, p. 42
[16] Catéchisme de l’Eglise catholique § 635
[17] Marthe Robin, Journal, Ibid., 25 mars 1932, p. 459
[18] Marthe Robin, Journal, Ibid., p. 84-85 (5 février 1930)
[19] Marthe Robin, Journal, Ibid., p. 459 (25 mars 1932)

Extraits de : Françoise BREYNAERT, Marthe Robin. L’amour miséricordieux. Editions du livre ouvert, 2015.

Couv marthe amour misericordieux